J’ai donc parcouru le chemin du monde
qui, de l’argile à l’or, va
d’une mer à l’autre, relie l’entière Terre.
J’ai regardé monter la marée, l’ai vue redescendre ;
j’ai appris la leçon du souffle
su que l’envers et l’endroit sont mêmes
et ainsi, leçons d’amour et de vérité.
À la céleste géométrie, mon corps fut accordé.
Entre le Tigre et l’Euphrate, j’entendis l’oracle.
Temples, pyramides, je visitai ;
lu tous traités de Terre et de Ciel.
Sur le monde, j’ai fermé les yeux
et vu le monde : racine et branche et bourgeon
— l’invisible, au cœur du visible, qui agit.
Fermant les yeux, j’ai vu, et touché
étant touchée : telles feuille et marée.
La Terre était ronde, et ronde, notre danse.
Les mondes étaient pluriels, le temps
venait de leur simultanéité.
Sur le grand balancier du voyage
mes trois destins reposaient ;
chaque jour Serpent, Corneille, Araignée
en mesuraient l’équilibre.
Il me fut offert de me recueillir
et — sans réponse — de vivre.
J’habitai la lumière de chaque chose
et l’ombre qui témoigne de son passage.
À cette heure où la lune se lève à l’est
alors qu’au revers retombe le soleil
d’une saison à une autre, je tourne
dans cette histoire de l’Un et du Multiple
où germe comme grain et la fonde
toute minuscule, la vie.
À la rencontre du monde et de ses mystères.
1. Si vous deviez associer ce poème à une forme géométrique, quelle serait-elle?
2. Dans la deuxième strophe, la poète écrit que « l’envers et l’endroit sont mêmes ». Repérez d’autres passages du poème qui expriment des oppositions similaires.
3. Dans la sixième strophe, la poète évoque le serpent, la corneille et l’araignée. Que peuvent évoquer ou symboliser ces créatures, selon vous?
4. Les sept premières strophes pourraient constituer une sorte de récit de voyage, qui se déroulerait à plusieurs niveaux. Soulignez les passages qui évoquent le voyage géographique, et ceux qui évoquent le voyage spirituel ou mystique. En lisant à voix haute, remarquez-vous des changements de tons?
5. La dernière strophe se distingue des autres, notamment par les temps verbaux. Si cette strophe agit comme une conclusion au voyage, quel pourrait être l’aboutissement de la « quête » du poème selon vous?
Activité d’écriture
Choisissez deux termes opposés qui vous inspirent. Tracez un grand cercle sur une feuille. Au point le plus élevé du cercle, écrivez un des termes. Au point le plus bas, écrivez, à l’envers, l’autre terme. Tentez d’écrire un poème en prose ou une longue phrase qui relierait les deux termes puis refermerait le cercle.
Lien pertinent
Site personnel de l’auteure : www.helenedorion.com/
La section « Carnets » contient quelques poèmes récités par l’auteure et des liens vers de nombreuses entrevues.
Hélène Dorion, « J’ai donc parcouru... », Portraits de mer, Paris, Éditions de la Différence, 2000.
© 2000 Éditions de la Différence et Hélène Dorion